Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été
attiré par le désert. Pendant mon enfance, la moindre image de dune et de ses
peuples mystérieux, si différents, me laissait perplexe, au point de déchirer
les pages de livres sur l'Afrique pour en faire des posters dans ma chambre. Je
caressais le rêve de fouler un jour ces étendues désertiques, mais le destin va
en décider autrement. Peu après mes 21 ans, un accident de moto me cloue dans
un fauteuil roulant. Les dunes ne verront jamais la trace de mes 2 roues…Qu'à
cela ne tienne, me voilà sur 4 et la
passion des sports mécaniques ne m'a pas quitté. Je tombe un jour sur un Yamaha
Warrior 350, l'ancêtre du Raptor. Le démarreur électrique et la marche arrière
sont des arguments convaincants et après avoir “bidouillé“ un renvoi de
sélecteur de boîte au niveau du réservoir, je reprends plaisir à écumer les
chemins et terrains que je parcourais à moto. Je deviens membre de
l'association Aventure Handicap qui organise des raids sportifs, et c'est avec
eux, en 1993, que je découvre enfin le plaisir de rouler sur les pistes du Sud
Marocain. Ce n'est pas vraiment une révélation mais une consécration. Oui, je
reviendrai le plus souvent possible. Le désert me fascine et le quad ou le 4x4
sont pour moi les moyens idéaux de le parcourir. Depuis, je suis reparti de
nombreuses fois en 4x4 pour écumer l'Afrique du Nord jusqu'au Sahel, avec
toujours ce même regard neuf et émerveillé sur ces paysages, sur ces peuples
dont j'admire la gentillesse et la simplicité.
En autonomie
Il faudra cependant attendre 2010 pour que je
redécouvre le quad en achetant un Can Am Outlander qui me semble être avec son
châssis long, la machine idéale pour partir en raid autonome. En effet, après
quelques sorties dans ma région ou autres « Quadrézienne », l’envie
de partir en autonomie au Maroc se faisait sentir. Aussi, début 2011, je
prévois un parcours qui nous conduira de Merzouga à Aït Benhaddou en passant
par Smara : 2 700 km dans le grand sud Marocain, accompagné par un ami et son
fidèle 4x4. Quinze jours à deux dans des conditions assez
exceptionnelles ; de la pluie, du vent et des fortes chaleurs… Mais après
tout, n’est ce pas ce que nous sommes venus chercher ?
Quelque temps
après, ayant posté des photos sur un forum, Daniel me contacte et me propose un
voyage dans le Nord de la Mauritanie, région que je ne connais pas malgré
plusieurs passages dans ce pays. Sans réfléchir, je dis oui, tout de suite, en
saisissant l’opportunité de repartir encore et toujours vers ce désert si
fascinant. Sept à huit mois seront nécessaires pour préparer nos 2 machines,
deux 800 Outlander et des options assez différentes pour arriver à concilier
poids, minimum de confort et sécurité. En effet, nous partons avec 600 km et 5
à 6 jours d’autonomie, soit 75 litres d’essence, 30 litres d’eau, de la
nourriture, 2 GPS, 1 téléphone satellite, 1 radio VHF par véhicule, sans
oublier notre « petit confort » : un lit de camp, un matelas
autogonflant, un sac de couchage, quelques habits et affaires de toilette, une
pharmacie. Nous prenons aussi des pièces de rechange avec une trousse à outils.
Ah j’oubliais, j’ai aussi mon fauteuil roulant ! Avec tout ça, nos
machines doivent allègrement dépasser les 600 kg !
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Sur les bons rails
Nous arrivons enfin au jour du départ, fin avril
2012. Nous allons pouvoir relâcher toute cette tension accumulée jusqu’à ce
jour tant attendu où nous partons, ma remorque attelée au fourgon de Daniel,
son quad à l’intérieur me laissant tout juste assez de place pour poser un
matelas sur le plancher. Daniel dormira en mezzanine. Trois jours plus tard,
nous voilà à Tantan au Sud Maroc chez Christine, à l’Auberge des 2
chameaux. Il nous tarde de monter sur nos machines et nous anticipons un peu
sur le départ prévu 300 km plus bas, à Laayoune. Lors des préparatifs, je
découvre la débrouillardise de Daniel. Ce pro du Système D soudera à l’étain
avec un bout de cintre et un camping gaz les connexions défectueuses des
oreillettes de mon casque. Puis nous partons le long des falaises de la côte
Atlantique, encore sauvage, ponctuée de quelques cabanes de pêcheurs. J'ai tout
de même quelques inquiétudes, car j'ai les jambes crépies d'huile. Rien de
grave, il s'agit d'un mauvais montage du joint de cache culbuteur à la dernière
révision. Ce sera vite réparé. 1 300 km de goudron Nord Sud pour atteindre la
frontière, et après quelques formalités nous voilà enfin en Mauritanie où nous
accueille le fameux « plus long train du monde ». C'est aussi l’un
des plus lourds et certainement le plus lent. Il transporte du minerai de fer
de Zouerate à la côte à Nouadhibou. Ses rails sont rassurants, surtout lorsque
depuis plusieurs jours on ne voit que du sable et des étendues désolées. Nous
quittons rapidement le bitume et mettons le cap plein Sud. Nous dressons notre
camp pour une première nuit dans ce désert tant attendu. Dans la nuit, de
grosses gouttes nous réveillent et nous obligent à tendre une bâche de fortune
entre les deux quads pour nous abriter.
Seuls au monde
Mardi 1er mai, presque 500 km à vol
d’oiseau nous séparent d’Atar, notre point de chute. Que du hors-piste, et à
part la longue route reliant Nouadhibou à la capitale Nouakchott que nous
traversons, nous ne croiserons guère de civilisation,à peine des traces de vie,
un troupeau de dromadaires, des lézards « fouette queue », un lièvre
ou un fennec surpris. Tout se déroule sans encombres dans ces plaines peuplées
de barkhanes (grosses dunes en forme de croissant) mais, par endroits, des
zones difficiles à franchir formées de grosses touffes d’herbe ou le sable
s’agglomère et qui ressemblent un peu à des taupinières géantes ralentissent
notre progression. La température monte au fur et à mesure que nous nous
éloignons de l’océan, et oscille entre 40° et 45°C. On s’acclimate doucement
mais tout va bien, nous sommes concentrés au maximum et les machines ronronnent
sans sourciller. Le troisième jour, nous devons nous rendre à l’évidence. Nous
avons sous-estimé notre consommation car sur ce genre de terrain, les quads
avalent plus de 12 l/100 ou lieu des 10l prévus initialement. Si nous
continuons vers l’Est au cap, nous devrons franchir un gros massif de dunes
enchevêtrées qui a la réputation d’être coriace, et nous serons courts en
carburant. Nous prenons donc la sage décision de remonter vers la voie ferrée et
de passer à Choum pour ravitailler. La suite n’est qu’une formalité pour
arriver sur Atar. Nous découvrons une très belle vallée entre deux massifs
montagneux avec une piste très marquée puis, sur la fin, de l'eau se fait
sentir, des oasis se forment avec des villages qui s’étirent pour profiter de
cette humidité... Relative. Après environ 600 km, nous avons mérité une journée
de repos au fameux camping Bab Sahara « chez Justus ». Personnage
incontournable, ce hollandais est connu de tous les sahariens passant dans le
coin. Afin d’assurer notre sécurité, il appelle le commandant de la Gendarmerie
d’Atar pour lui montrer où nous allons passer et lui demander l’autorisation de
circuler ; ce qu’il accepte volontiers.
Records de température
Le lendemain, nous partons, un peu au hasard,
vers les vallées blanches et la célèbre oasis de Tergit pour une boucle avec un
retour à Atar. Après M’Reith, nous galérons un peu pour trouver un passage et
nous enfoncer dans un canyon magnifique, où la progression va s’avérer très
difficile. Mais nous sommes têtus, et il nous faudra quasiment la journée du
lendemain pour se frayer un chemin dans les rochers de ce lit de rivière sur
une trentaine de kilomètres ! Pas de regrets, même si Daniel a failli mettre
le quad sur le côté. Les paysages sont grandioses. Retour au camping pour une
nouvelle journée de repos avant d’attaquer la troisième partie. Il fait
anormalement chaud pour la saison, pas moins de 45°C à partir de 10 h du matin.
Nous savions que nous partions tard dans la saison, le mois de mai étant la
limite, mais même les autochtones restent à l’ombre. Là où nous allons, il n’y
a pas d'ombre ! Mercredi 9 mai, départ vers la mythique ville de
Chinguetti par la fameuse passe d’Amojar, puis direction Ouadane par l’ancienne
piste qui serpente dans des dunes assez molles, avec quelques passages dans des
« forêts » d’acacias. Daniel passera un bon moment à essayer de
dépanner un groupe électrogène qui alimente la pompe, et pas n'importe quelle
pompe: celle qui ravitaille un village. Sans succès. Nous passons notre
dernière nuit à l’auberge Chez Zeïda. Les pleins d’eau et d’essence sont faits
à ras bord, car notre prochaine étape compte environ 500 km et ce coup-ci, il
sera impossible de se rabattre. Il n'y a aucune civilisation. En point de mire,
nous avons un cratère d’impact de météorite, Ténoumer, en passant par
l’incontournable Guelb El Richat surnommé l’œil de l’Afrique. Nous faisons une
dernière halte « civilisée » à El Beyed, vallée d’acacias peuplée de
quelques tentes nomades concentrées vers son puits. Je pense que nous avons
fait une erreur à ce moment-là… Nous n’avons pas complété les pleins d’eau,
même pour remplacer le peu que nous avions consommé. A la place, je trouve deux
bifaces, preuves d’une vie préhistorique très riche dans cette vallée. Et nous
passons un grand moment de vie avec des femmes venues nous accueillir, qui nous
offrent un thé de bienvenue sous un acacia où nous avons décidé de nous reposer
à cette heure de chaleur écrasante.
Une goutte dans le désert
La température est accablante, et nous partons au
lever du jour. Nous sommes obligés d’arrêter de rouler vers 11 h ; et nous
tendons une bâche entre les quads pour nous mettre à l’ombre en attendant 16h
ou 17h avant de repartir. La visibilité est très mauvaise car le vent souffle
fort et soulève du sable et de la poussière. Hostile, la chaleur dégagée par
les moteurs nous brûle les mollets. Nous garderons même quelques cicatrices.
Pas de végétation dans cette zone, pas de puits, pas de faune seulement des
cordons de dunes que nous devons couper par le travers sur une centaine de km,
puis une plaine dénuée de toute vie. Nous passerons la nuit au cœur de ce
cratère. Nos lits de camp installés, nous faisons chauffer une soupe
déshydratée… ce soir, c’est la fête ! Nous avons atteint l’un de
nos objectifs, alors ce sera Sauternes et foie gras en prime.Dernière
« grosse » partie de hors piste. Nous prenons plein ouest jusque
Zouérat. Il nous reste 3 ou 4 litres d’eau pour les deux, et il ne faudra pas
trop tourner en rond car l’essence est comptée, elle aussi. Cela fait d’autant
plus réfléchir, quand à un moment je ne vois plus Daniel dans mes rétroviseurs.
Je m’arrête, et j'attends. Personne. Je fais demi-tour sur mes traces, mais ce
satané vent souffle toujours et efface rapidement les marques des Big Horn. Je
retrouve malgré tout l’endroit ou elles se divisent à une dizaine de km et les
suis. Je reste sur ce cap, car je les perds souvent, puis je les revois…
J'avance comme ça jusqu’à ce que je le retrouve, scrutant l’horizon sur un
petit promontoire. Ouf ! Une heure de stress ! Quelques passages de
cordons de dunes plus loin, nous apercevons des cases, puis une montagne se
détache avec un nuage de poussière. Ce sont enfin les mines de fer, nous allons
pouvoir boire un bon coup de flotte !
Galères et Cie
La dernière partie de 600 km devrait être plus
simple en navigation puisque nous roulerons le long de la voie ferrée. Mais
c’est sans compter sur ce fichu vent arrière, les très longs passages dans le
sable mou, et toujours cette température avoisinant les 50°C. J’ai eu la
mauvaise idée de mettre un manomètre sur le quad et il arrive à 112°, le
tableau de bord indique lui une surchauffe moteur à plusieurs reprises, le
ventilateur ne s’arrête pas, et nous mettons de temps en temps les machines
face au vent pour essayer de les refroidir. Sans grand succès. A mi chemin, mon
moteur cafouille, il perd de la puissance, et nous décidons de changer la pompe
à essence. Le lendemain, après environ 100 km, je dois m’arrêter à un poste
militaire pour montrer nos passeports. Là, impossible de redémarrer. Anomalie
moteur indique le tableau de bord ! Je maudis cette électronique embarquée
dont nous sommes tributaires. Daniel me tire sur un endroit dégagé au sol plus
dur pour que je puisse rouler et essayer d’appeler le concessionnaire avec nos
téléphones satellite, mais la communication se coupe. Nous cherchons, et après
avoir démonté le réservoir avant qui nous empêche d’accéder aux fusibles, nous
trouvons le coupable ; le fusible de pompe à essence grillé ! Un
deuxième grille à la première tentative. Alors, nous mettons un plus gros et
miracle ! Nous repartons, mais après cette montée de stress de quelques
heures à mûrir au soleil, je me sens exténué, ma vue se trouble, je n’ai plus
de forces, je dois stopper et j’ai le plus grand mal à descendre du quad.
Daniel me met un chèche mouillé sur la tête. Je mettrai un bon moment à
récupérer sous notre traditionnelle bâche qui nous sert d’ombrage. C’est
reparti, et 30 km plus loin, je sens le
quad louvoyer. J’ai une brèche de 3 cm sur un pneu arrière, c’est la
journée ! Daniel n’y croit pas, mais pour avoir un jour réparé un pneu de
4x4 comme cela, pas si loin de l'endroit où nous sommes d’ailleurs, j’insiste
pour coller plusieurs mèches, et ça marche !
Libres
Le lendemain, juste après notre départ, tout à
coup le moteur fait un bruit d’enfer comme en échappement libre. Décidément,
c’est la série. La bague d’étanchéité du silencieux s’est fait la malle. Une ou
deux tentatives infructueuses pour réparer, ça ne marche pas. Tant pis pour le
bruit, je roulerai comme ça, mais la selle va fondre, les plastiques de
carrosserie se déformer. Inch allah ! Nous arrivons malgré tout à la
frontière vers 13 h et traverserons le célèbre no man’s land qui sépare la
Mauritanie du Maroc. Un endroit toujours aussi surprenant. Un terrain de tous
les trafics, où s'empilent des carcasses de voitures, des téléviseurs, des
ordinateurs…
La remontée de 1 300 km se fera sans encombre
particulière, si ce n’est un fort vent de face chargé de sable qui nous fouette
les visages. Puis il y a la diarrhée, le mollet et le cul brûlés, mais nous
revenons à la civilisation. Nous retrouvons des campings, des auberges, des
douches et des repas corrects. Ce sont des plaisirs que l’on oublie lorsqu’on
vit son petit quotidien… A l'heure du bilan, nous regardons les compteurs. Les
chiffres ont défilé. Nous avons parcouru 4700 km dont 2000 hors bitume. La
plupart en hors piste total, sans traces, au cap. C'est une formidable
expérience que je n’ai pu connaître à pied, mais le quad est un fabuleux engin
de liberté, beaucoup plus que le 4x4. Excepté sa moindre autonomie, cet engin
permet de franchir n’importe quel terrain sans soucis, surtout les cordons de dunes
qui me font rêver. La liberté, nous retiendrons ça de cette aventure. Et
d'autres moments magiques, comme la rencontre avec les peuples de l’Adrar. En
Afrique, les gens sont heureux de nous accueillir et de partager nos cultures,
même si l’image que l’on peut ressentir aujourd’hui est un peu ternie. Leur
gentillesse n’a pas d’égal. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été
attiré par le désert... mais j’ai passé l'âge des posters, aujourd'hui, ces
images sont gravées dans nos ma tête.
lien vers les Photos
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Vidéos de nos 4700 Km dans l'ADRAR Mauritanien en quad
1ère Partie TANTAN / ATAR
2ième Partie Boucle au Sud d'ATAR
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